Un camion de collecte en flammes sur le bord de la route est devenu une image tristement banale. Ces incidents, souvent spectaculaires et dangereux, ne sont pas le fruit du hasard. Depuis le début de l’été, Strasbourg, Caen, Saint-Martin de Mieux ou encore Faudoas, sont quelques exemples de collectivités impactées par la présence de déchets dangereux. Comprendre l'origine de ces départs de feu est la première étape pour mettre en place des solutions efficaces et garantir la sécurité des opérateurs de collecte tout en limitant les coûts de gestion.
Les erreurs de tri : une menace directe pour la collecte
Les incendies dans les bennes à ordures ménagères (BOM) sont un risque opérationnel majeur pour les collecteurs et les collectivités. Ils paralysent les tournées, endommagent des équipements coûteux et, surtout, mettent en danger la vie des agents de collecte et du public. La cause principale de ces événements est la présence de déchets interdits dans les flux de collecte, notamment dans les bacs de déchets résiduels ou de tri sélectif.
Piles au lithium, bouteilles de protoxyde d’azote, feux d’artifice ou bouteilles de gaz sont à l’origine de ces départs de feu. Le mélange de ces produits avec d'autres déchets crée des conditions propices à une réaction chimique ou à une inflammation spontanée. La compression effectuée par la pelle de compactage ne fait qu'augmenter ce risque, en provoquant des étincelles ou en rompant des contenants sous pression.
Batteries au lithium : la première source d'incendie
Les batteries au lithium-ion sont omniprésentes dans notre quotidien : smartphones, ordinateurs portables, cigarettes électroniques, vélos électriques, etc. Lorsqu'elles sont jetées incorrectement dans les poubelles ménagères, elles représentent un danger explosif. Une fois dans la benne du camion, la pression exercée peut les perforer ou les écraser.
Ce choc mécanique provoque un court-circuit interne, entraînant un phénomène d’emballement thermique. La batterie chauffe alors de manière incontrôlable, jusqu'à prendre feu ou exploser. Cette réaction initiale peut rapidement enflammer les déchets environnants, comme le papier et le plastique, transformant la benne en un véritable brasier en quelques minutes.
Bouteilles de protoxyde d’azote et contenants sous pression
Les bouteilles de protoxyde d’azote, en format de grandes cartouches ou de bonbonnes de gaz de bricolage (butane, propane), constituent une autre source majeure de danger. Même supposées vides, elles contiennent toujours un résidu de gaz sous pression.
La compression dans le camion poubelle peut rompre ces contenants métalliques, libérant subitement le gaz résiduel. Au contact d'une simple étincelle générée par le frottement de métaux dans la benne, ce gaz s'enflamme instantanément, provoquant une explosion. Les bouteilles de protoxyde d'azote, de plus en plus présentes à cause d'usages détournés, sont particulièrement préoccupantes en raison de leur popularité croissante et de leur abandon fréquent sur la voie publique.
Victimes supplémentaires : les centres de traitement
Qu’il s’agisse des unités de valorisation énergétique (UVE) ou des centres de tri, les départs de feu n’épargnent pas ces maillons essentiels de la chaîne de gestion des déchets. Rien qu’en 2024, on a recensé plusieurs dizaines d’incidents dans toute la France, affectant directement la sécurité du personnel et la continuité des opérations.
Selon les données du Bureau d’analyse des risques et des pollutions industriels (Barpi), les incendies représentent 83 % des 578 accidents enregistrés dans ce type d’installations entre 2014 et 2021. Ces incidents sont également en "forte augmentation depuis 2010", avec une progression "plus marquée que celle observée dans d’autres types d’installations".
La problématique des objets dangereux, comme les bouteilles de gaz ou de protoxyde d’azote, prend une ampleur préoccupante : en Haute-Savoie, plus de 4 000 bouteilles ont été collectées dans les rues en 2025. À titre d’exemple, une seule de ces bouteilles peut causer une explosion significative lors de son passage dans les fours des UVE. Des conséquences matérielles majeures avec des arrêts d’installation, des coûts de réparation lourds pour les collectivités et un manque à gagner avec l’énergie non produite. 500 000€, c’est le coût moyen par UVE touchée par des arrêts par an. On compte entre 20 000€ et 200 000€ par arrêt selon la FNADE/SVDU.
Ces incidents compromettent non seulement la valorisation des déchets mais menacent également la durabilité des infrastructures de traitement.
Comment la technologie peut prévenir les incendies

Face à la multiplication des incendies de camions poubelles, la prévention par la sensibilisation atteint ses limites. Il devient stratégique d'adopter des solutions innovantes pour identifier et comprendre l'origine des erreurs de tri. L'analyse de données en temps réel offre aux collectivités et aux opérateurs de collecte des leviers d'action précis pour sécuriser leurs opérations.
En équipant les camions de collecte de systèmes d'analyse d'images, il est possible de caractériser automatiquement et en quelques minutes ces déchets dangereux. Grâce à ce système, les équipes sont alertées pendant les tournées et sont capables de prendre les mesures correctives pour limiter le départ de feux.
Cette technologie permet de :
- Identifier les zones à risque : En cartographiant précisément les adresses où les erreurs de tri dangereuses sont les plus fréquentes, les collectivités peuvent cibler leurs actions de communication.
- Déployer des actions de sensibilisation ciblées : Les ambassadeurs du tri peuvent intervenir de manière plus efficace, en se concentrant sur les secteurs, les rues ou même les immeubles identifiés comme problématiques.
- Mesurer l'impact des campagnes : En suivant l'évolution de la qualité du tri dans les zones ciblées, il est possible d'évaluer l'efficacité des actions menées et de les ajuster si nécessaire.
- Optimiser la sécurité : La connaissance des points noirs permet d'adapter les protocoles de collecte pour minimiser les risques, en informant par exemple les équipes des zones où la vigilance doit être accrue.
Cette approche d’un pilotage par la donnée transforme la gestion des déchets d'une logique réactive à une stratégie proactive. Elle ne se contente pas de gérer les conséquences des erreurs de tri, mais s'attaque directement à leurs causes.
La sécurité est l’affaire de toutes les innovations
Les incendies de camions poubelles ne sont pas une fatalité, mais un symptôme d'un système de gestion des déchets qui doit se repenser. Si la responsabilité individuelle des citoyens est essentielle, les acteurs de la collecte doivent se doter d'outils à la hauteur des enjeux sécuritaires et environnementaux. Un tri responsable passe non seulement par le geste de chaque usager, mais aussi par une gestion intelligente et optimisée des flux de déchets.
Les technologies d'analyse de données apportent une solution concrète pour réduire les risques d'incendies. En fournissant une vision claire et détaillée de la qualité du tri sur un territoire, elles permettent de construire des stratégies de prévention efficaces, de protéger les agents de collecte et de préserver les équipements.